La décision du Premier ministre Michel Barnier de relever le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), annoncée le 15 novembre, suscite des réactions mitigées dans le secteur immobilier. Si cette mesure vise à compenser les pertes budgétaires des départements, les acteurs de la pierre redoutent qu’elle ne fragilise davantage un marché immobilier déjà sous tension.
Une fiscalité accrue sur les transactions immobilières
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), abusivement appelés « frais de notaire », représentent une part importante des coûts annexes à l’achat immobilier. Déjà plafonnés à 4,5 % du prix de vente pour les biens anciens, ces taxes pourraient désormais atteindre 5 %, à la discrétion des départements. Une hausse de 0,5 point, temporaire mais significative, selon les acteurs du secteur.
Pour un bien vendu 200 000 €, cette mesure entraînerait une augmentation d’environ 1 000 € des frais, une somme qui pourrait peser sur les accédants à la propriété. « L’intention de soutenir les collectivités territoriales est louable », reconnaît Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), « mais elle risque de freiner les accédants à la propriété et de compromettre la reprise observée grâce à la baisse des taux d’intérêt ».
Une mesure pénalisante pour les jeunes acheteurs
Les courtiers, eux aussi, tirent la sonnette d’alarme. Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, juge cette annonce particulièrement pénalisante pour les primo-accédants. « Les jeunes acheteurs devront surmonter un obstacle financier supplémentaire, alors que l’accès à la propriété est déjà complexe », déclare-t-elle.
Brice Cardi, président du réseau immobilier L’Adresse, se montre également réservé. « Même si cette augmentation peut sembler modeste, elle envoie un signal négatif aux propriétaires et aux futurs acheteurs, dans un contexte où la confiance est cruciale », affirme-t-il.
Pour Vanessa Benedic, CEO d’homeloop, « cette mesure revient à nier la situation économique dans laquelle se trouve le secteur immobilier » alors qu’il est « urgent de prendre la mesure de ce qu’il se passe concrètement sur le terrain. De comprendre les réelles préoccupations et freins que rencontrent les Français en matière de logement. Leur pouvoir d’achat est malmené depuis de longs mois en raison des divers facteurs économiques sur lesquels ils n’ont aucune prise. […] Ils doivent, une nouvelle fois, repousser ou annuler leur projet de vie, ou, au mieux, le revoir à la baisse ».
De plus, cette hausse s’inscrit dans une continuité qui inquiète. Le courtier Vousfinancer rappelle qu’une augmentation similaire de 0,7 % avait été introduite en 2014 et adoptée par la majorité des départements, alourdissant progressivement les coûts pour les acquéreurs.
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Les départements en quête de ressources
Du côté des élus locaux, l’annonce est accueillie avec plus de soulagement. François Sauvadet, président de Départements de France, souligne l’urgence de compenser les pertes abyssales subies par les départements : 3,8 milliards d’euros en moins entre 2022 et 2023, avec une nouvelle baisse attendue de 10 à 15 % cette année. « La construction neuve n’est pas concernée, et l’effort demandé reste acceptable », défend François Sauvadet. Selon lui, payer « quelques centaines d’euros de plus » pour renforcer la cohésion territoriale est une contribution légitime.
Le Conseil supérieur du notariat, par la voix de sa porte-parole Céline Deschamps, se montre plus prudent. « Nous prenons acte de cette décision, mais nous devons mesurer son impact sur un marché immobilier qui reste à l’arrêt », déclare-t-elle.
Un coup de canif supplémentaire dans un marché déjà fragilisé
Michel Barnier se veut rassurant et affirme que « l’effort indiqué est acceptable ». Cependant, les professionnels du secteur, à l’instar de Loïc Cantin, redoutent que cette mesure ne devienne permanente. « Nous pouvons nous attendre à ce que l’ensemble des départements relève leurs taux au plafond autorisé », anticipe le président de la FNAIM.
Alors que le marché immobilier peine à retrouver son dynamisme, cette hausse des droits de mutation pourrait ralentir les transactions, alimentant les craintes d’une crise prolongée. Une fois encore, le secteur immobilier se retrouve au cœur d’un arbitrage délicat entre nécessité budgétaire et soutien à l’économie locale.
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