À quoi ressemble le paysage de la formation immobilière ? Qui sont ses acteurs ? Quels modèles défendent-ils et comment adaptent-ils leurs offres aux mutations du marché ? Tour d’horizon dans notre dossier spécial.


Il n’a échappé à aucun professionnel du monde immobilier que les formations en la matière sont devenues légion. Et pour cause, la loi ALUR révisée en 2016 et ayant apposé l’obligation de formation continue des professionnels (1) a engendré une très grande demande de formation. Plus de 200 000 professionnels doivent s’y soumettre chaque année.

Tantôt source de fierté pour les professions immobilières qui défendent l’exigence et l’amélioration continue, tantôt source de frustrations pour ceux qui prônent plus d’accessibilité, cette obligation a donné naissance à un nouveau marché de la formation spécialisée, dans lequel une multitude d’acteurs se sont positionnés.

Des grandes écoles adossées aux syndicats professionnels aux réseaux d’agences qui ont créé leur campus et académie, en passant par les organismes de formation et les formateurs ou coachs indépendants ; le marché est à la fois hétérogène et concurrentiel et les petites structures autonomes côtoient de grandes machines à former.

Pour le secteur, l’enjeu est de taille : d’une part, la formation initiale doit permettre aux jeunes désireux de se lancer dans ces métiers de se doter de connaissances solides pour pénétrer un marché exigeant ; d’autre part, la formation continue vise quant à elle à garantir l’amélioration continue des professions immobilières et la mise à jour de leurs connaissances dans un contexte où leur vitesse de péremption n’a jamais été aussi élevée.

« Le défi de la formation aujourd’hui est d’accompagner les professionnels tout au long de leur carrière, en leur proposant des formations évolutives et adaptées à leur réalité de terrain », présente Céline Deytieux, directrice de l’ESI.

Les grandes écoles, un gage de qualité pédagogique

Difficile de ne pas commencer par présenter les grandes écoles. Parmi elles : la plus ancienne, l’École Supérieure des Professions Immobilières (ESPI) créée en 1972, suivie de l’École Supérieure de l’Immobilier (ESI) adossée à la FNAIM, le Campus SNPI adossé au syndicat du même nom, ou encore l’Institut du Management des Services Immobiliers (IMSI).

Pour Olivier Paré, gérant du Campus SNPI, la qualité pédagogique délivrée par les grandes écoles certifiées par l’État est évidemment un atout pour se démarquer dans le fourmillement d’offres. Si le pôle de la formation initiale forme une petite vingtaine d’étudiants chaque année afin de leur offrir un accompagnement rapproché et individualisé, le département de la formation continue du SNPI forme quant à lui plus de 6 000 professionnels par an. Il défend non seulement une qualité pédagogique différenciante, mais aussi une expertise et une proximité avec le terrain grâce à son union avec le syndicat professionnel.

Céline Deytieux, directrice de l’ESI, défend elle aussi la double casquette universitaire et professionnelle de son école. « Le fait d’être appuyés à un syndicat professionnel nous place au plus près des évolutions réglementaires et législatives, et au fait des réalités rencontrées sur le terrain. Nos formations permettent à nos étudiants et à nos professionnels apprenants de se doter à la fois de compétences solides, mais aussi d’une agilité indispensable afin d’être en mesure de naviguer et de se renouveler dans le secteur immobilier sur le temps long ».

Des cursus plus flexibles révolutionnés par le numérique

Si la proximité avec le terrain est définitivement un facteur d’attractivité pour les jeunes et professionnels, le format des formations est également devenu déterminant à l’ère du numérique et de la flexibilité. Le Covid a en effet révolutionné le paysage des formations immobilières.

« Alors qu’auparavant 90 % de nos cursus se déroulaient en présentiel, le tout à distance a largement pris le pas depuis 2020. Le e-learning a pris une place considérable et les écoles ont dû en faire un axe majeur de développement » s’accordent Céline Deytieux de l’ESI et Olivier Paré du Campus SNPI. S’ils reconnaissent que ce format confortable, flexible, accessible et moins coûteux séduit énormément, ils défendent tout de même l’efficacité pédagogique du présentiel. « Tout en adaptant notre offre au numérique, nous continuons à défendre une culture du présentiel car nous ne souhaitons pas transiger sur la qualité de nos contenus et sur l’engagement de nos apprenants. Les professionnels de l’immobilier ont un rôle trop important pour que l’on puisse se permettre de les laisser partir sans acquis suffisants » poursuit Céline Deytieux, qui tient à rappeler l’impératif de professionnalisation.

« À cela, s’ajoute la nécessité de continuer à attirer les jeunes vers les métiers de l’immobilier et de les conforter dans leurs choix professionnels, alors que les cycles de marché sont parfois peu encourageants » observe Olivier Paré.

Des recruteurs qui souhaitent contribuer à la professionnalisation de leurs talents

Maintenir l’attractivité des carrières immobilières, c’est aussi l’enjeu des grands réseaux d’agences et de mandataires qui sont aujourd’hui rares à ne pas avoir développé leur propre offre de formation. Foncia, iad, Era Immobilier, Safti, Orpi, Laforêt… Toutes ces enseignes ont compris que leur offre de formation était un levier de recrutement important, les directions comme les candidats étant désireux de bénéficier d’une montée en compétences.

« Le corps professionnel de notre secteur chemine positivement dans l’idée que la formation est non pas seulement une dépense, mais aussi un investissement nécessaire pour valoriser ses métiers » observe à ce sujet Henry Buzy-Cazaux, fondateur de l’IMSI.

Ainsi, grâce à la multitude d’offres de formations disponibles, chaque profil peut trouver la formation qui correspond à son rythme et à ses besoins. « Les créateurs d’agence, les managers, ou les agents commerciaux peuvent tous trouver une formation alignée sur leurs problématiques et leur évolution de carrière, grâce à des parcours qui sont spécifiquement adaptés pour eux » confirme Olivier Bugette, fondateur de La Boîte Immo. Ce concepteur de sites et logiciels immobiliers a lancé son organisme de formation « Akadémie » il y a dix ans : son catalogue compte aujourd’hui 240 heures de formation et rien qu’en 2024, 25 000 formations ont été suivies et complétées. « Les formations obligatoires (loi ALUR) sont les plus suivies — notamment celles portant sur la réglementation Tracfin, la non-discrimination à l’accès au logement et le code de déontologie de l’immobilier — mais nous observons également un intérêt croissant pour les thématiques en lien avec les évolutions du marché : par exemple les techniques d’estimation immobilière ou la méthode SPIN Selling qui porte sur la négociation et l’argumentaire commercial.

Des thématiques et des formats évolutifs

Car les thématiques de formation se sont aussi largement étoffées et diversifiées. Outre les formations réglementaires, de plus en plus d’agents cherchent également à se former et à se perfectionner sur des aspects pointus à forte valeur ajoutée, comme le marketing immobilier, le management, les techniques de vente ou encore l’utilisation des outils numériques, qui plus est avec la révolution de l’intelligence artificielle.

« Les formations sur l’IA et sur les nouveaux outils liés à la digitalisation des métiers de l’immobilier rencontrent un succès croissant, preuve que les professionnels cherchent à anticiper les évolutions du marché et à tirer partie des innovations qui vont redessiner leur terrain d’activité » note Vincent Lecamus, fondateur du média Immo2 qui a lancé son campus en 2019.

Lui, a opté pour la création d’« un netflix de la formation immobilière » : des modules à la demande, concis et efficaces, parfaitement adaptés au rythme des agents immobiliers. « Ceux-ci doivent entretenir leurs connaissances dans un grand nombre de domaines différents (commercial, juridique, urbanisme, marketing, IA, etc.). Nous sommes donc convaincus que le fait pour eux de pouvoir visionner des vidéos instructives sur le sujet de leur choix, où et quand ils veulent, sur n’importe quel type d’écran, correspond à leurs nouveaux modes de consommation. Accéder aux mêmes connaissances en 1h de vidéo qu’en 7h de présentiel, c’est un gain de temps apprécié par tous, les collaborateurs comme les dirigeants d’agences ».

Vincent Pavanello, co-fondateur de Mister IA, confirme également l’attrait croissant des formations spécialisées aux formats numériques. « L’IA est un excellent exemple pour illustrer la rapidité d’évolution des formations : en 2023, aucune de nos formations ne portait sur l’IA alors qu’en 2024, 30 % d’entre elles sont consacrées à cette innovation. Pourquoi ? Car les professionnels ont compris que l’IA pouvait leur être utile dans de multiples cas d’usages au quotidien. Ils ont donc tout intérêt à s’y former rapidement pour ne pas laisser la concurrence prendre de la vitesse ! ».

Les coachs formateurs

Enfin, d’autres acteurs sont apparus sur le marché de la formation immobilière : les coachs formateurs. Créateurs d’une véritable structure ou entrepreneurs autonomes, ceux-ci ont généralement un positionnement complémentaire aux formations classiques.

Leur crédo : accompagner les dirigeants d’agences ou conseillers immobiliers vers la réalisation de leurs objectifs d’affaires, le management d’équipe, la gestion d’entreprise, la performance, l’organisation stratégique ou encore l’épanouissement professionnel.

Parmi eux, Cédric Laporte est convaincu que l’avenir appartient à ceux qui sauront combiner la formation et le coaching. Dirigeant d’agence immobilière et fondateur du Disrupteur Immobilier, il pousse et accompagne les professionnels à vraiment mettre en application les méthodes qu’ils abordent souvent sous un angle uniquement théorique. Son approche combine alors formation, coaching individuel et collectif, avec pour promesse des résultats significatifs. « Notre valeur ajoutée est d’entraîner les agents immobiliers en entrepreneurs performants, comme des sportifs de haut niveau ».

Se former, un levier pour réussir

Écoles, campus, académies, organismes de formation, formateurs et coachs indépendants… Avec une offre aussi large et diversifiée, la structuration de ce marché devient ainsi un enjeu majeur. « Il existe une grande disparité dans la qualité des formations proposées.

Pour garantir un niveau d’exigence élevé, la certification Qualiopi est une avancée importante », estime Henry Buzy-Cazaux. C’est pourquoi de nombreux organismes cherchent à obtenir cette reconnaissance afin de rassurer les professionnels quant à la qualité des enseignements dispensés.

Car enfin, des professionnels bien formés ne sont-ils pas mieux armés pour naviguer dans les cycles de marché difficiles ? Peut-on en partie expliquer le chiffre effrayant de professionnels ayant quitté le secteur récemment en raison d’un trou dans la raquette des formations dispensées ?

« Il ne fait aucun doute que les formations actuelles doivent mieux préparer le corps professionnel aux terrains escarpés » poursuit M. Buzy-Cazaux. « En tout cas, il existe un lien évident entre ceux qui réussissent commercialement, et les formations qu’ils ont suivies ». Se former, le levier de la réussite.



Alix Fieux

Journaliste de passion et juriste de formation, Alix Fieux aime aller à la rencontre des acteurs de l’immobilier pour découvrir les initiatives originales des agences et des entreprises qui renouvellent le secteur. Son deuxième sujet favori ? L’essor d’une nouvelle génération de ressources humaines qui concerne également les professionnels de la pierre, pour comprendre comment mieux recruter, manager et fidéliser leurs talents !
Auparavant, elle a également travaillé en tant que journaliste et responsable éditoriale pour différents médias et marques sur des sujets d’actualité variés.

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