Si la tentation de renégocier est forte sur le papier, y-a-t-il un réel intérêt à le faire ? Les agents immobiliers doivent savoir en quoi cela peut les concerner professionnellement dans leur quotidien.


Tandis que la Banque Centrale Européenne a annoncé une nouvelle baisse consécutive de ses taux directeurs, et que les taux d’intérêt sur les crédits immobiliers continuent de s’affaisser, ressurgit pour de nombreux clients la question de renégocier son crédit immobilier, notamment pour les emprunteurs ayant contracté au cours des 2-3 dernières années. Révisons en quoi cela consiste exactement.

Renégocier n’est pas faire racheter son prêt par une autre banque

Avant tout, il convient de se pencher sur l’usage des bons termes.

Renégocier, c’est obtenir l’accord du banquier prêteur sur une modification des conditions initiales du crédit, et en l’occurrence des conditions financières, à commencer par le taux d’intérêt.

Bien évidemment, le banquier n’aura pas la même réceptivité à la demande, selon le profil patrimonial de son client, mais aussi au regard des autres conditions accordées lors de la mise en place du prêt. Il y a par ailleurs fort à parier que le nouveau taux finalement consenti ne sera pas le plus agressif, du moins pas autant que s’il s’agissait d’un nouveau client au profil attractif. Si le banquier y consent, les nouvelles conditions mises en place feront l’objet d’un avenant, facturé (comptez entre 500 et 1 500 euros environ selon les banques et les dossiers). Mais cela évitera les frais accessoires et une relation bancaire à reconstruire entièrement.

Faire racheter son prêt par une banque n’est pas sans risque et sans calcul préalable

Si les conditions nouvellement proposées ne conviennent pas aux clients, il reste l’option de solliciter une autre banque pour faire racheter leur crédit. Si leur profil intéresse le nouveau prêteur, il y a de fortes chances que le taux d’intérêt soit nominalement plus alléchant. Mais attention aux à-côtés !

– Si le prêt est remboursé depuis plus du tiers de sa durée totale, il y a de fortes probabilités que l’emprunteur ait assumé une bonne partie des intérêts. L’effet de baisse des taux sera moindre et surtout le fait de faire reprendre le prêt par un autre organisme va réinitialiser le principe de l’amortissement progressif du capital. La différence de taux doit en général être d’au moins de 0,80 % à 1,00 %.

– Cette situation est à prendre encore davantage en considération si le bien n’est pas destiné à être conservé de longues années, pour que le différentiel d’intérêts porte sur le maximum de temps.

– Pensez aux frais inhérents aux garanties prises lors du crédit initial et du nouveau crédit. S’il s’agit d’une garantie réelle, il faudra faire pratiquer la main levée par le notaire, avec les frais afférents, et sur la valeur initialement empruntée. Et lorsqu’il s’agit d’une garantie en cautionnement mutuel, il n’y aura pas de frais de main levée mais toutes les sociétés de cautionnement ne restituent pas le fonds de garantie, ou pas intégralement. Enfin, si l’emprunteur bénéficiait d’une assurance corporative, encore faudra-t-il que la nouvelle banque dispose d’un accord de même nature ou que la situation de la personne lui donne encore accès à cette solution.

– N’oubliez pas non plus le sujet des assurances de prêt. Non qu’elles aient beaucoup évolué en termes de coût, mais la situation de l’emprunteur assuré a peut-être évolué, professionnellement et sanitairement.

Quelles opportunités pour l’agent immobilier ?

Outre l’intérêt qu’il peut avoir à titre personnel, le conseiller ou l’agent immobilier doit s’emparer de cette situation pour en faire un atout commercial de taille.

Tout d’abord auprès de la clientèle des investisseurs en quête d’opportunités. La baisse des taux a été de l’ordre de 1 à 1,20 % en à peine une année. S’il est encore hasardeux d’envisager la fin de la baisse des prix des biens, on constate néanmoins un léger rebond, en lien direct d’ailleurs avec la situation des taux d’intérêt et de l’appétit des banques.

Le niveau actuel des taux peut aussi servir l’intérêt des investisseurs déjà engagés, qui pourraient avoir l’opportunité de s’alléger dans leur charge de remboursement en renégociant leur encours. Pour peu que la surface nette (valeur des actifs après déduction du reste à rembourser) se soit améliorée, et que le banquier ait un intérêt à conserver la relation, c’est un acte de gestion sain que d’améliorer son endettement.

De plus, s’il s’agit d’un candidat au premier investissement, et que la valeur nette de la résidence principale est confortable au regard du banquier, cela peut permettre d’envisager la concrétisation du projet d’investissement en faisant reprendre dans un crédit global les deux biens. Attention toutefois au principe de défiscalisation des intérêts du bien locatif acheté, qui nécessitera d’établir une règle de prorata sur la quote-part correspondant à la reprise du bien en résidence principale.

Enfin, la renégociation de l’encours sur la résidence principale peut aussi s’accompagner d’une étude pour rallonger la durée de remboursement du prêt initial. Ce faisant, en cumulant la baisse des mensualités liée à la durée plus longue et la baisse du taux, cela pourrait laisser la place à une charge de remboursement pour une opération d’investissement locatif.

S’agissant des prospects qui ont renoncé à un projet au cours de ces deux dernières années, revenir vers eux en affichant des éléments tangibles d’un allégement des charges et surtout à la fin confirmée d’un cycle de hausse des taux, peut les encourager à se remettre en quête d’un nouveau projet.

Il en va de même pour des clients déjà propriétaires, qui s’interrogeaient pour envisager la revente de leur actuelle résidence principale. Aux mêmes situations, les mêmes arguments. Surtout si entre-temps, ils ont réalisé des travaux de rénovation ou d’embellissement dans leur actuelle résidence.

Enfin d’un point de vue crédibilité, être capable d’estimer et d’expliquer le contexte, pour répondre aux objections craintives ou dubitatives des clients/prospects, est toujours un gage supplémentaire de professionnalisme, apprécié des clients et sécurisant dans son argumentation de vente.

Une fenêtre positive à exploiter

Sans revenir à la situation qu’on a pu connaître au cours des années 2015-2018, l’évolution des taux est une véritable opportunité pour le professionnel de l’immobilier.

Cela ne remplacera pas les incohérences politiques et la situation structurelle du marché, mais nous sommes tous responsables et acteurs de l’impact positif sur les leviers de décision des candidats à l’accession, qui demeure un projet anxiogène et lourd. Quand on ne peut pas agir sur des causes profondes, on utilise les moyens à notre disposition. La baisse des taux ne sera pas continue et on regrette toujours d’avoir trop attendu. Donc, c’est maintenant…

Bruno Rouleau

Bruno ROULEAU est co-fondateur et Délégué Général de la Fédération du Courtage en Crédit. Diplômé du CNAM dans le secteur bancaire, cadre durant une 20aine d’années au sein de 4 groupes bancaires. Il bascule dans le secteur de l’intermédiation bancaire en 2004, d’abord chez In&Fi Crédits qu’il rejoint peu de temps après leur création. Il en devient associé aux côtés de Pascal BEUVELET, crée avec lui l’IFIB (Institut de Formation) et l’activité de Financement Professionnel. Il y occupe aussi la fonction de Directeur des Partenariats, de l’Animation et Porte-Parole de l’enseigne. En 2010, il rejoint CAFPI au sein de la Direction Générale et du Comité Exécutif, en charge des Grands Accords, de l’Economie Sociale et de l’Organisation Interne.
Passionné par l’entrepreneuriat, il crée en 2015 son cabinet de conseil en Formation et de conseil pour accompagner les entreprises et les réseaux dans leur virage digital, notamment dans la gestion de la relation Client. Revenu dans le secteur du courtage en crédit en 2018, il retrouve d’abord In&Fi Crédits comme membre du Comité de Direction, Directeur des Partenariats et Porte-Parole, et devient parallèlement secrétaire puis Président de l’APIC, avant de passer Secrétaire Général chez La Centrale de Financement, puis Directeur de la Stratégie et de l’Innovation, et Porte-Parole chez AFR Financement, tout en étant administrateur de la CNCEF Crédits jusqu’en juillet 2024. Il est également auteur d’ouvrages sur le courtage en crédit, référent réglementaire au sein d’organismes de formation, et intervenant en Faculté des Métiers.

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