Du non coté plus systématique dans les plans d’épargne retraite (PER). Alors qu’il était déjà possible de loger dans son PER des supports exposés aux entreprises non cotées en Bourse, l’immixtion des actifs alternatifs dans ces enveloppes grand public va monter en puissance à partir de l’automne prochain.
En effet, l’article 35 de la loi dite industrie verte , qui entrera en vigueur le 24 octobre, impose aux gérants d’allouer une part minimale de non coté (fonds de private equity, de dette privée…) dans les mandats de gestion standards des PER souscrits après cette date. S’agissant des PER collectifs, souscrits en entreprise, une dérogation de près de deux ans a été mise en place. Pour les versements sur ces PER d’entreprise, la part minimale de non coté obligatoire devra être atteinte au plus tard le 30 juin 2026.
Que les PER soient individuels ou collectifs, sont concernées par le non coté minimal les gestions pilotées dites à horizon. Ces dernières se caractérisent par une allocation devenant de moins en moins volatile et exposée à des actifs faisant courir un risque de perte en capital à mesure que la date du départ à la retraite de l’épargnant s’approche. Cela en fait le mode de gestion privilégié des détenteurs de PER.
Les minimaux obligatoires désormais connus
Toutefois, bien que la loi industrie verte ait été promulguée à l’automne 2023, il manquait encore à la bonne application de son article 35 la parution de textes complémentaires dont celui qui fixe précisément la proportion minimale de versements sur les fonds d’investissement alternatifs . C’est désormais chose faite. L’arrêté mettant à jour la composition des gestions pilotées à horizon a été publié dans le Journal officiel du 5 juillet. Concrètement, il prévoit une part minimale qui s’adapte au profil de risque du mandat choisi et qui évolue au cours du temps.
Ainsi, pour les gestions pilotées « prudentes », les fonds d’investissement alternatifs devront représenter au moins 2 % à 6 % des versements : 2 % jusqu’à 10 ans avant la date de liquidation envisagée par le titulaire, 4 % jusqu’à 15 ans avant la date de liquidation envisagée par le titulaire et 6 % jusqu’à 20 ans avant la date de liquidation envisagée par le titulaire. Il s’agit de pourcentages minimaux. Le gérant peut donc aller au-delà. Néanmoins, il sera limité par les critères d’investissement globaux associés aux mandats pilotés à horizons. Par exemple, à l’apogée de prise de risque des mandats prudents (soit plus de 10 ans avant le départ à la retraite), l’encours investi en unités de compte (UC) présentant un risque de perte en capital ne peut dépasser 70 % de l’encours total du PER.
Pour la gestion pilotée équilibrée, où la part d’UC peut au maximum atteindre 80 % dans les premières années de vie du PER, les versements minimaux sur le non coté oscilleront entre 3 %, 5 ans avant le départ à la retraite, et 8 % jusqu’à 20 ans avant la date de liquidation du plan.
Pour les mandats dynamiques – dénués de contraintes globales sur les UC avant que le PER arrive dans ses 5 dernières années -, la part des versements sur du non coté devra atteindre au moins 12 % au-delà des 20 ans qui séparent l’investissement de la liquidation du PER. Entre 20 ans et 15 ans, elle tombera à 10 %, puis à 7 % entre 15 ans et 10 ans. Jusqu’à 5 ans avant le départ en retraite du titulaire, les nouveaux versements sur les PER devront être fléchés à hauteur d’au moins 5 % en direction de fonds exposés à des entreprises non cotées en Bourse.
La quantité requise de non coté monte encore d’un cran s’agissant de la gestion pilotée offensive, le nouveau mandat à horizon créé par la loi industrie verte. Selon sa durée de détention restante, les versements sur le non coté devront atteindre au moins entre 6 et 15 % de l’épargne investie.
Un texte qui arrive tard
Le contenu de cet arrêté n’est pas une réelle surprise. En janvier dernier, « les Echos » avaient pu consulter le projet d’arrêté avant la consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF). Il était identique au texte publié au Journal officiel. « Cet arrêté sort le 5 juillet mais en réalité son contenu est prêt depuis mars. Il va dans le bon sens. C’est bien de voir cette finalisation administrative. Cela fait depuis un an que l’on travaille sur la loi industrie verte », explique Alexis Dupont, directeur général de France Invest, association représentant le secteur du capital-investissement
Sa publication arrive toutefois pour certains acteurs de l’épargne trop tardivement pour envisager sereinement une application en octobre prochain. « Le texte sort 4 mois après la consultation du CCLRF. Pour les associations d’épargnants souscriptrices de PER, cela va être difficile de respecter le calendrier. Il va falloir convoquer une assemblée générale extraordinaire, ce, en plein été. Ensuite, il y aura un délai pour informer tous les adhérents des nouvelles règles », détaille Guillaume Prache, président de la Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite (FAIDER).
« Un démarrage en octobre sera compliqué », indiquait récemment « aux Echos » Sébastien d’Ornano, président du distributeur et gérant multiproduits Yomoni en marge d’une conférence sur la gestion privée.
Doutes sur le rendement
Surtout, certains redoutent que l’objectif de rendement ne soit pas tenu. Dans l’exposé des motifs, il était indiqué que le non coté dans les mandats allait donner « la possibilité aux épargnants de s’exposer à une classe d’actifs dont le couple risque/rendement est plus élevé ». « Notre grosse inquiétude sur la loi industrie verte concerne la qualité du private equity que l’on pourra intégrer. On va être très vigilant là-dessus », confie d’ailleurs Sébastien d’Ornano.
« On met de façon forcée des produits complexes et risqués dans des mandats choisis par le grand public qui n’affichent pas une rentabilité si forte par rapport à des fonds actions cotées. Or, ceux-ci ne présentent pas de problème de liquidité et de durée d’investissement », regrette également Guillaume Prache. Pour arriver à cette conclusion, il s’appuie sur une étude publiée en mai dernier par France Invest.
D’après celle-ci, les fonds investis en non coté ouverts aux particuliers, lancés entre 2013 et 2023, ont rapporté en moyenne 6,2 % hors frais d’enveloppe, sachant que les fonds actions éligibles aux assurances-vie ont rapporté en moyenne entre 2018 et 2023 de 4,5 % à 11 %, d’après France Assureurs. « On est bien loin du rendement général du capital-investissement de 13 % par an sur 10 ans », souligne Guillaume Prache.
Pour Alexis Dupont, ce décalage s’explique par la jeunesse des fonds accessibles au grand public. « En pondérant par les encours, le marché a moins de 4 ans. Or la performance du capital investissement se cristallise véritablement à partir de 6-7 ans de vie des fonds, quand les cessions progressent, explique le directeur général de France Invest. Après, ce n’est pas une classe d’actifs sans risque. Et il y a évidemment des gérants qui dégagent des meilleures performances que d’autres », nuance-t-il.
Pertinence questionnée de l’evergreen
En termes de rendement, ce qui peut nuire à la performance du non coté dans une enveloppe assurantielle est la préférence qui risque d’être donnée aux fonds dits evergreen. C’est-à-dire aux fonds sans durée de vie limitée qui intègrent une poche d’actifs liquides, généralement 10 à 15 %, pour faciliter la gestion des allocations au cours du temps. « Si on commence à vendre de l’evergreen en promettant des rendements de fonds fermés, il y aura des déçus dans 5 à 10 ans. Il faudra être clair là-dessus. On pourra à mon sens avoir un rendement proche du marché actions », indique le président de Yomoni.
« C’est vrai qu’il y a un arbitrage entre performance et liquidité, et que quantitativement la part des fonds evergreen est plus importante dans les supports des particuliers. Mais ces fonds ont des avantages singuliers. Ils offrent une grande diversification. Ils ont des durées de vie longues ce qui permet de les avoir durablement sur les étagères des distributeurs et de lisser le rendement », met en avant le porte-parole de France Invest. Pour connaître les supports accessibles aux détenteurs d’un PER, rendez-vous à l’automne prochain.
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